Les développeurs ont pris le pouvoir

Oct 16, 2023 min read

Aujourd’hui, la composante développement prend souvent le pas sur de nombreux autres secteurs de l’entreprise. De plus en plus :

  • Le démarchage client se fait par internet (ne serait-ce que via la publicité)
  • Les achats, tant au niveau du choix que de la logistique, se gèrent par internet
  • Le support se fait par internet
  • Les retours, les demandes de maintenance se font par internet.

Il se trouve donc qu’une grande partie de de l’économie tourne grâce à internet et à la capacité des clients de prendre contact avec les marchands/fournisseurs repose en grande partie sur le réseau. Tout ceci est d’autant plus vrai quand les produits sont des produits numériques.

Aujourd’hui, même les banques, assurances, mutuelles tendent à migrer vers des solutions “full-web” qui permettent de se passer d’agences, de gérer plus efficacement les besoins de ses clients grâce à des algorithmes toujours plus puissants et omniprésents. Si l’on prend l’exemple de la banque, l’utilisateur/client est donc désormais en ligne directe avec le centre réel de décision, notamment pour les crédits, qui est l’algorithme mis en place par sa banque. Lorsqu’un conseiller en agence soumet les éléments de son client, il est confronté au même processus et devient, pour ce process précis, un intermédiaire coûteux pour la banque.

l’inertie de ces secteurs de services “lourds” car drainant chacun des centaines de millions d’euros par an fait qu’ils sont parmi derniers à tomber le tabou de la confrontation directe de leurs clients aux algorithmes, comme le font, ou l’ont fait, la grande distribution via les “drive”, la santé (doctolib en est un bon exemple), l’éducation (les sites de formation ou de soutien scolaire), et tant d’autres domaines.

Vu que la tendance est donc de remplacer des interlocuteurs humains par des machines, la main d’œuvre n’est donc plus faite de gens avec les compétences métiers, mais bien de ceux qui pourront mettre en place des outils capables de remplacer des dizaines, voire des centaines de personnes avec une efficacité égale voire supérieure.

Et c’est là que le bât blesse. La pression de la demande sur les profils techniques compétents pour mettre en place ces services est forte et a un effet inflationniste sur les salaires. Au milieu des profils des “développeurs rockstar” on trouve de nombreux profils peu expérimentés qui profitent seulement d’un effet d’aubaine pour augmenter leur salaire en ajoutant des mots-clés tendance dont il ne connaissent souvent pas grand chose. Un premier pré-tri est effectué par les cabinets de conseil en recrutement sérieux sur lesquels les entreprises peuvent se reposer. Il y a cependant aussi des dérives dans ce secteur, et je suis moi-même régulièrement contacté par des “plateformes” de recrutement, où les chasseurs de profils n’ont pas plus de compétences que le commun des mortels pour repérer un profil solide d’un qui ne l’est pas.

Quand on monte une structure dans cette période de recrutement difficile, il faut savoir jouer sur les leviers qui motiveront ces profils à, d’une part vous rejoindre, mais d’autre part à s’investir dans le projet et à le considérer comme le leur. J’en parle déja dans cet article ou celui-ci. Comme je l’explique dans les précédents articles, on s’est moqué des nouveaux postes de “chief hapiness officer” ou de tout autre métier destiné à améliorer la qualité de vie au travail. C’est une erreur. Toute initiative qui a pour but d’améliorer les conditions de travail est louable, mais dans le cas des profils précédemment cités nécessaire.

J’ai vu près de la moitié des effectifs techniques d’une entreprise démissionner dans les 6 mois suite à un choix stratégique discutable de ses dirigeants. Malheureusement pour l’entreprise, dans ce genre de cas, ce sont également les profils les plus recherchés et donc chevronnés qui partent, car leur facilité à retrouver un emploi est impressionnante. Comme dit un développeur de ma connaissance “on n’a même plus besoin de traverser la rue pour trouver du boulot, c’est le boulot qui traverse la rue pour nous trouver.”

Et c’est vrai. Les bons profils sont littéralement harcelés par les recruteurs, et ce plusieurs fois par semaines, voire plusieurs fois par jours dans les périodes chargées ! Je n’arrive personnellement pas à répondre à toutes les sollicitations. Merci LinkedIn pour la fonction des réponses automatiques aux messages….

La vieille méthode consistant à avoir des gens “du métier” pour dicter aux développeurs quoi faire, sans prendre leur avis et en les considérant comme de simples ouvriers ne peut plus perdurer. Le développeur qui (pardonnez-moi l’expression) venait “pisser du code” sans y mettre la moindre âme et attendant juste l’heure minimale acceptable pour ranger ses affaires et partir faire chez lui des choses qui réellement l’intéressaient est révolue. Si vous êtes un développeur et que vous bossez dans une telle structure, fuyez. L’herbe sera plus verte ailleurs.

Quand je parle de développeur, j’inclue tout naturellement tous les métiers associés, comme l’infrastructure ou l’UX/UI par exemple. Le fait de coder n’est rien si on ne crée par des interfaces efficaces pour l’humain ou si l’on est incapable de savoir comment délivrer et maintenir en conditions operationnelles le codes écrit par les dev….

Les dev ont donc désormais pris le pouvoir, mais pas contre l’entreprise.

Si vous êtes un responsable, motivez-vos équipes, prenez en compte leurs retours, faites-leur confiance sur leur capacité à vous proposer des choses, créez une vraie cohésion d’équipe. Des amis bosseront toujours mieux ensemble. Offrez leur des congés quand c’est possible, prenez soin de leur proposer un environnement de travail agréable où ils seront plus à l’aise que chez eux, où ils seront heureux de venir. Proposez-leur de choisir leur rythme de télétravail. En bref, faites-en des collaborateurs heureux plutôt que des exécutants frustrés.

La plupart des développeurs le sont devenus par passion. Si vous savez l’entretenir, ce sont vos projets qui en sortiront grandis et vos business qui ne seront que plus florissants.

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